Reproduction d'un livre

Réponse de l'Enssib

Date de la réponse

Dans le cadre d’une animation destinée aux enfants à partir de 3 ans, vous souhaitez savoir s’il vous est possible et dans quelles conditions de reproduire l’album "Le Loup, la puce et la galette" (éditions Frimousse), acquis par la bibliothèque où vous travaillez, sous la forme de diaporama projeté à un public ou sous la forme d’images imprimées pour réaliser un kamishibaï.


 

Avant toute chose, nous tenons à préciser que nous ne sommes pas un service juridique et qu’en conséquence notre réponse ne peut se prévaloir d’une telle valeur.

 

Synthèse

D’un point de vue légal, afin de reproduire (diaporama, images imprimées) et communiquer votre album, il est nécessaire de prendre contact avec l’éditeur pour obtenir le droit de le faire.

 

Vous pourrez définir avec lui la durée, le territoire, l’étendue et la destination des droits cédés (Cession de droits d’auteur, site Freelancer). Pour garder traces de vos échanges et que ceux-ci aient valeur contractuelle, un échange mail a minima est nécessaire.

 

Dans la pratique, le risque juridique concernant votre projet est relativement faible, il vous appartient toutefois de l'évaluer. Lire « Faut-il respecter le droit en bibliothèque ? » Lionel Maurel. Bulletin des bibliothèques de France, n° 3, 2011 »

 

Principe

Reproduire une œuvre sous quelque forme que ce soit, diaporama ou supports imprimés par exemple, de même que la communiquer à un public relève du droit patrimonial d’auteur :

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Source : Article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle

 

 

Le droit patrimonial est limité dans le temps, 70 ans après la mort du dernier auteur vivant, dans le cas d’une œuvre de collaboration (ce qui est la cas pour un album : auteur du texte et illustrateur)

Source : « Le point sur le droit d’auteur », Anne-Laure Stérin. Carnet de recherche éthique et droit sur Hypothèses, 12 février 2016

 

Si cette durée est dépassée, l’œuvre tombe dans le domaine public. Il est alors possible de la reproduire ou de la communiquer sans avoir besoin d’en demander l’autorisation à l’auteur ou ses ayants droit.

 

Le droit moral qui lui est perpétuel reste à respecter :

  • citer l’auteur (droit de paternité)
  • respecter l’intégrité de l’œuvre

 

L’album que vous citez est récent, le droit patrimonial court toujours, il existe cependant des exceptions et des cas d’usage particuliers relatifs à votre problématique. Examinons-les.

 

Lecture à voix haute en bibliothèque

Est-ce que le fait de réaliser cette reproduction et cette représentation dans le cadre d’une animation réalisée par un service public vous dispense de l’accord des auteurs ou ayants droit ?

 

Il n’existe pas de perception à un niveau collectif pour des lectures effectuées dans le cadre d'une bibliothèque. En effet, suite à la mobilisation de 2018 autour de la polémique déclenchée par la Nuit de la lecture, des acteurs de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, bibliothèques), un consensus autour des lectures publiques avait été trouvé :

La SCELF, comme le souligne son communiqué, a décidé que l’exploitation du droit de lecture publique et de représentation relèvera donc « de la compétence de chaque éditeur » ou de l’auteur lorsque celui-ci a gardé ou repris ce droit.

Source : Lectures publiques : la SCELF met un terme à ses perceptions. Communiqué de l’Abf, 29 juin 2018

 

Toutefois, si on peut vous exonérer de rétribution, l’accord de l’auteur (ou de l’éditeur s’il a récupéré les droits) est toujours requis :

Nous rappelons que les lectures publiques, comme leurs éventuelles autorisations à titre gratuit, s’inscrivent dans le cadre légal du droit d’auteur, et réaffirmons que les décisions qui concernent le droit d’auteur et les droits d’auteurs ne peuvent pas se prendre contre l’avis des auteurs.

Source : Lectures publiques : la SCELF met un terme à ses perceptions. Communiqué de l’Abf, 29 juin 2018

 

En droit donc, la lecture à voix haute en bibliothèque nécessite l’accord des auteurs ou des ayants droit. Dans les faits, c’est une pratique bien tolérée.

 

Exception de courte citation

Vous vous demandez si l’impression de quelques images tirées de l’album peuvent être utilisées pour réaliser un kamishibaï.

 

Selon Anne-Laure Stérin, l’exception de courte citation suppose la réunion de trois conditions :

  • que l'extrait soit sourcé,
  • que l'extrait soit court,
  • que la citation soit justifiée «par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre » à laquelle elle est incorporée.

 

À ce jour, les tribunaux interprètent cette exception législative de façon restrictive, en la limitant aux œuvres textuelles : il est actuellement interdit de citer une image fixe, un film (Cour de cassation, 4 juillet 1995) ou une musique. Il est possible que la jurisprudence évolue sur ce point dans les années à venir. Mais pour l'instant, on ne peut pas invoquer l'exception de citation quand on veut utiliser des extraits sonores, audiovisuels ou d'images fixes.

Source : Diffuser de l'information sur Internet : les pratiques licites. Anne-Laure Stérin, Journée «Internet et droit de l'IST» : Quelles conséquences pour la production, la gestion et la diffusion de l'information? mardi 15 novembre 2011 – Réseau Go!Doc (Paris)

 

L’exception de courte citation ne peut pas être invoquée pour votre usage.

 

Propriété de l’œuvre et droit d’auteurs

Vous vous demandez si le fait de posséder l’œuvre vous permet de réaliser librement des reproductions et représentations.

 

La propriété d’une œuvre, au sens de sa matérialité, n’implique pas la propriété des droits d’auteur attachés à cette œuvre ou, pour le dire plus simplement, la possession de l’objet n’implique pas la possession des droits d’auteurs sur cet objet :

Que le fonds soit déjà conservé par l'institution ou non, il est important de connaître le statut juridique du fonds et/ou des photographies, des supports comme des droits afférents, avant de l’acquérir ou de le traiter.

Être propriétaire d'un support physique n'implique pas être propriétaire des droits d'auteur (droits patrimoniaux et droit moral) afférents à celui-ci.

En vertu de l'article L.111-3 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), il est en effet nécessaire de bien distinguer la propriété incorporelle de celle de l’objet matériel, qui sont indépendantes l’une de l’autre.

Source : Gérer un fonds photographique. Connaître l’environnement juridique d’un fonds. Ministère de la Culture

 

La bibliothèque possède l’album, mais pas les droits d’auteur sur cet album : droit de le reproduire, droit de le représenter (nouvelle communication). En revanche, elle a le droit de le prêter (droit de prêt de 2003). Les autres droits doivent être négociés avec l’éditeur qui a récupéré les droits par cession.

 

Veuillez noter que cette réponse n’a pas de valeur juridique.