
Votre collectivité met en place un portail permettant de regrouper toutes les démarches utiles aux administrés. Votre médiathèque est concernée, à travers l'accès au compte lecteur des abonnés leur permettant de suivre leurs emprunts et de renouveler leurs prêts.
Vous vous interrogez sur le respect de la confidentialité des emprunts effectués par des mineurs dans le cadre d'un portail qui permet au responsable légal d'avoir accès aux emprunts de toutes les personnes qui lui sont rattachées. Vous souhaitez savoir s'il est possible de faire respecter cette confidentialité pour un mineur et si oui à partir de quel âge.
Par ailleurs, vous souhaitez alerter le service porteur de ce projet de portail de la nécessité de garantir la confidentialité des emprunts des personnes majeures au sein d'un même foyer et vous cherchez des documents pour appuyer votre argumentation.
Tout d'abord, nous précisons que nous ne sommes pas juristes, nous vous recommandons donc de vous adresser au service juridique de votre tutelle pour un conseil avisé.
L'article 9 du Code Civil stipule que :
Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.
L'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant, Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989 indique :
1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille,
son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes
Cependant, l'article 371-1 de ce même Code Civil précise également :
L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.
Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques.
Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.
C'est donc nécessairement dans cet entre-deux que le respect de la vie privée d'un mineur évolue et il est difficile de s'opposer à l'autorité parentale dès lors qu'elle se déploie dans les limites du texte mentionné plus haut.
A ce sujet, vous pourrez consulter aussi : Ma vie intime. C'est privé !. Anaïs Coignac. CIDJ.com, 21/05/2018
La CNIL émet toutefois des recommandations afin de prévenir une intrusion trop importante dans la vie privée des mineurs.
Certains des arguments développés pourront vous intéresser :
Les conseils de la CNIL
Les dispositifs de contrôle parental proposés doivent être conformes aux règles de protection des données, et en particulier respecter :
- un principe de proportionnalité prenant en compte l’intérêt de l’enfant, son âge et son niveau de maturité, en évitant de recourir à des dispositifs intrusifs tels qu’une géolocalisation permanente ;
- un principe de transparence à l’égard de l’enfant en l’informant clairement des modalités du contrôle parental ;
- un principe de sécurité des données du mineur, afin de s’assurer que des tiers n’aient pas accès à des informations sur le mineur (p. ex. coordonnées de géolocalisation du mineur).
La CNIL estime qu’il serait nécessaire d’évaluer, en concertation avec les autres acteurs publics et les opérateurs concernés, dans quelle mesure les dispositifs proposés sur le marché se conforment au RGPD.
Cette évaluation permettrait de proposer aux parents une liste de dispositifs pleinement respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa vie privée.
Source : Recommandation 5 : promouvoir des outils de contrôle parental respectueux de la vie privée et de l’intérêt de l’enfant. CNIL, 9 juin 2021
Les règlements intérieurs de bibliothèque que nous avons pu consulter précisent que l'emprunt des documents par les mineurs se fait sous la responsabilité des parents, toutefois, l'accès aux collections adultes est possible dès 7 ans avec l'accord des parents, et dès 11 ans sauf avis contraire des parents.
Voici un extrait de celles de la Ville de Paris :
Article 27 : prêts aux mineurs
L’emprunt de documents par les mineurs se fait sous la responsabilité des parents ou tuteurs légaux.
- les mineurs de moins de 7 ans ne peuvent emprunter que des documents imprimés «jeunesse» ;
- les mineurs de 7 à 11 ans accomplis, peuvent, sur autorisation parentale au moment de l’inscription, emprunter des documents imprimés adultes ;
- les mineurs de 12 à 17 ans accomplis, peuvent consulter et emprunter tous les documents présents dans les bibliothèques, sauf volonté contraire des parents exprimée par écrit sur papier libre auprès des bibliothécaires.Les mineurs peuvent emprunter des CD musicaux et des DVD mais il est rappelé que les emprunts effectués par les moins de 18 ans restent sous la responsabilité des parents et que les limitations d'accès en fonction des âges (moins de 12, 16 ou 18 ans) appliquées aux DVD et aux jeux vidéo lors des sorties commerciales sont automatiquement appliquées.
Les parents peuvent emprunter des documents pour leur enfant sur présentation de la carte d'usager de celui-ci ou, à défaut, sur leur propre carte.
Source : Le règlement des bibliothèques. Bibliothèques. Paris
Voici également le formulaire d'inscription des mineurs pour la Bibliothèque de Toulouse.
Pour conclure, vous noterez donc qu'il est difficile de s'opposer au fait que le responsable légal puisse avoir un droit de regard sur les prêts de ses enfants mineurs.
Vous pourrez consulter le document suivant : Téléservices et protection de la vie privée. CNIL, 17 décembre 2018
Veuillez noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.
Pour aller plus loin :
Carte famille ou inscription individuelle en bibliothèque. Questions? Réponses! 27/10/2021
Interdire dans une bibliothèque. Questions?Réponses! 03/03/2021
RPGD et protection des données personnelles des mineurs. Deshoulières avocats associés
Inscription de mineurs et autorité parentale. Questions ? Réponses! 09/12/2019