Expertise des livres rares

Réponse de l'Enssib

Date de la réponse

Dans le cadre de votre mémoire sur l'expertise des ouvrages rares, vous souhaitez obtenir des informations sur les personnes aptes à donner une expertise (experts, historiens, spécialistes) et leurs méthodes d'authentification pour certifier qu'un ouvrage est rare.

 

 

L’authentification d’un livre comme livre rare suppose de qualifier ce concept. Les différentes définitions d’un livre rare, proposées ci-dessous, donnent autant de critères possibles d’authentification.

 

Le Manuel du patrimoine en bibliothèque propose cette définition :

 

Les livres rares sont en premier lieu les livres uniques, ce qui englobe les manuscrits, les dessins, et les livres imprimés conservés en un seul exemplaire ou très peu d’exemplaires. C’est le cas pour toutes sortes de livres, et particulièrement ceux qui étaient le plus répandus à leur époque, par exemple les livres de colportage, certains livres d’heures… Les imprimés ayant une spécificité, comme ceux qui portent une reliure particulière, une mention de provenance, un ex-libris, un ex-dono, qui ont appartenu à un écrivain ou un bibliophile célèbre entrent dans cette catégorie. Dans le cas des imprimés, quel que soit l’intérêt ou la valeur de l’édition, c’est ici cet exemplaire particulier qui répond au critère de rareté, devenant lui-même un livre unique.

Source : Manuel du patrimoine en bibliothèque. Sous la direction de Raphaële Mouren. Éditions du Cercle de la librairie, 2007, page 26

 

La Charte des bibliothèques le caractérise ainsi :

 

Par document rare, on entend tout document qui ne se trouve dans aucune autre bibliothèque proche ou apparentée, ou pour une bibliothèque spécialisée tout document qui entre dans sa spécialité.

Source : Charte des bibliothèques. Conseil supérieur des bibliothèques, 7 novembre 1991, note 9, page 2

 

Le Dictionnaire encyclopédique du livre, [3], N-Z, mis en avant dans la réponse Livres anciens rares ou précieux (05/06/2019) de nos confrères de la Bibliothèque municipale de Lyon, précise :

 

Rare

Livre qui n’est plus commercialisé et dont on ne trouve plus que difficilement des exemplaires.

A première vue un livre rare est un livre qu’on rencontre peu fréquemment. En ce sens la suite des temps fait croître le degré de rareté jusqu’au point où un titre disparaît […]

 

Mais il ne faut pas confondre texte rare et livre rare. Un texte devenu introuvable […] peut faire un jour l’objet d’une réédition. […] Dans le domaine de la librairie ancienne il ne suffit pas qu’un livre soit conservé en très petit nombre : le livre rare est en fait une édition donnée que le collectionneur trouve difficilement parce que cette édition a disparu du circuit commercial. N’importe quel livre est appelé tôt ou tard à devenir un livre rare, d’autant plus vite que l’édition n’a eu qu’un tirage restreint et qu’elle a été convoitée plus tôt par les amateurs.


Comme les livres précieux vont de plus en plus enrichir finalement le patrimoine des collections publiques, généralement inaliénables, la mention rare se répand de plus en plus dans les catalogues de libraires pour les livres précieux qui sont encore dans le commerce.


Le terme fut d’abord employé globalement, d’une manière vague, pour vanter la qualité d’un ensemble de livres proposés dans une vente : Catalogue de livres rares composant la bibliothèque de M. X . L’usage du mot rare pour désigner un livre particulier ne semble guère apparaître que depuis une soixantaine d’années avec le développement des travaux bibliographiques et des recensements internationaux qui apportent la démonstration cas par cas de la rareté d’une édition.

On qualifie volontiers de rare n’importe quel incunable parce que, les premiers à avoir été rigoureusement répertoriés, ils sont âprement disputés par les collectionneurs. Livre respecté dès sa parution, la Bible à 42 lignes de Gutenberg est un livre rare bien qu’on en connaisse une cinquantaine d’exemplaires.


A l’inverse, les éditions populaires, traditionnellement négligées, donc mal conservées, commencent d’accéder au statut de livres rares, comme c’est le cas des ouvrages de la Bibliothèque bleue, depuis qu’elle fait l’objet d’études.


Les cartes à jouer, les calendriers populaires sont le type de l’objet rare parce qu’ils n’étaient jamais conservés à leur époque. Aujourd’hui on récupère soigneusement dans les plats de reliure ces planches invendues réutilisées comme carton au XVIe siècle. […]


L’élargissement forcé de l’éventail des livres collectionnés fait qu’aujourd’hui tel ouvrage scientifique du XVIIIe siècle, tel manuel technique du XIXe […] est qualifié de « rare » par les libraires, tout simplement parce que les collectionneurs s’y sont intéressés tardivement.
Finalement, le livre rare est celui que l’on trouve difficilement à partir du moment où on désire l’acquérir. C’est pourquoi on peut lire régulièrement dans les catalogues « rare et recherché » : ceci explique cela.

Source : Article « rare » de Jean-Claude Garreta. Dictionnaire encyclopédique du livre, [3], N-Z, sous la direction de Pascal Fouché. Éditons du Cercle de la Librairie, 2011, pages 456-457

 

Pour terminer sur la question de la qualification d’un livre rare, nous vous proposons un extrait du billet d'Erell Smith, à propos du colloque "Rareté et livres rares du XVe au XXIe siècle" :

 

Les collectionneurs ne sont pas les seuls à rechercher la rareté. C’est également le cas des libraires et des bibliothécaires. Sarah Toulouse, de la Bibliothèque municipale de Rennes, revenait sur l’utilisation souvent abusive de la notion de rareté. Dans le langage courant, le « rare » est une notion de plus en plus relative, et ne faisant pas toujours références aux mêmes caractéristiques, ce qui aboutit à un usage démesuré de ce mot dans les descriptions de livres anciens pour les catalogues de vente actuels. Sarah Toulouse constate trois raisons pouvant pousser les libraires à user et abuser du terme : la tendance à se baser sur d’anciennes bibliographies papiers, l’augmentation du prix et donc du profit, mais aussi tout simplement la différence entre ce que la rareté signifie pour un marchant et pour un bibliothécaire. Sarah Toulouse nous invite également à poursuivre une réflexion autour du choix que nous avons à faire par rapport aux livres à transmettre, à conserver. Faut-il forcément favoriser l’objet rare ? L’objet banal risque pourtant de devenir rare lui aussi, parce que moins précieusement conservé par les contemporains.

Source : "Rareté et livres rares du XVe au XXIe siècle". Erell Smith. Hypothèses.fr, Carnet de recherche "Histoire du livre", 14/09/2018

 

Les différents acteurs présentés dans le billet d'Erell Smith peuvent constituer pour vous des pistes d’experts, notamment en ce qui concerne les historiens : Malcolm Walsby et Dominique Varry. Vous trouverez d’autres noms via le programme du Colloque.

 

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