Est-ce qu'une retouche photographique d'un document scanné peut être considérée comme une nouvelle œuvre personnelle ?

Réponse de l'Enssib

Date de la réponse

Vous vous interrogez sur la persistance des droits d’auteur lorsqu’un document scanné est modifié par un outil logiciel, en l’occurrence un outil basé sur de l’intelligence artificielle.

 

 

Avant toute chose, nous tenons à vous préciser que nous ne sommes pas un service juridique et nous vous conseillons de faire appel à un expert du droit de la propriété intellectuelle. Voici toutefois quelques éléments de réponse :

 

Pour commencer, le simple fait de numériser une œuvre nécessite une autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit dans les cas où :

  • cette œuvre est encore soumise aux droits patrimoniaux d’auteur (variable dans sa durée selon les cas de figure : «Le point sur le droit d’auteur» d’Anne-Laure Stérin, Questions Éthique et Droit en SHS, 2016)

  • cette œuvre, même tombée dans le domaine public, n’a jamais fait l’objet d’une diffusion (droit de divulgation d’une œuvre qui relève des droits moraux, perpétuels et imprescriptibles). Voir : Article L121-2. Code de la propriété intellectuelle

 

Modifier ensuite l’œuvre, par quel que moyen que ce soit (y compris avec un outil basé sur l’IA) :

  • nécessite l'accord de l’auteur ou de ses ayants droit si l'oeuvre est encore sous le coup du droit patrimonial
  • peut nécessiter par prudence une autorisation des ayants droit même si l'oeuvre est tombée dans le domaine public. En effet, il existe dans le droit moral, qui est perpétuel, le principe de respect de l’intégrité de l’œuvre :

 

Attention aux actes modifiant la forme de l’œuvre telle que réalisée par l’auteur (coupes, réécritures, colorisation, inversion du sens, etc.). L’utilisateur, même lorsqu’il a l’autorisation de modifier ou adapter une œuvre, doit tenir compte du fait que l’auteur conserve le droit d’agir contre une modification qu’il estimerait irrespectueuse de l’œuvre

Source : Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu. APIE, février 2018.

 

Comme vous le mentionnez, le développement des outils de manipulation de l’image ou du son soulève des interrogations. Si l’œuvre seconde, créée à partir de la première est suffisamment originale, elle constitue une œuvre dérivée, revêtue elle-même du droit d’auteur.

Nous vous livrons cet extrait qui résume ce qui est développé plus haut :

 

Les œuvres absolument originales, c’est-à-dire celles qui n’empruntent aucun élément à une œuvre préexistante, se font de plus en plus rares voir même théoriques. […] Les œuvres transformatrices, qui reposent sur la manipulation des images et des sons, prennent de plus en plus d’ampleur avec les technologies numériques.

[…]

Ainsi, les œuvres transformatrices sont celles qui empruntent à une œuvre première et apportent à son tour une création originale lui conférant une protection par le droit d’auteur. Ces œuvres nouvelles sont appelées mashup (réunir des œuvres sans les modifier) ou remix (modifier une œuvre originale pour en créer une nouvelle). Le statut de ces œuvres dérivées est connu en propriété intellectuelle : l’auteur de l’œuvre seconde doit solliciter l’autorisation de l’auteur ou de l’ayant droit de l’œuvre première, faute de quoi il est considéré comme un contrefacteur.

[…]

En effet, reproduire et représenter une œuvre, même s’il ne s’agit que d’un extrait et que l’œuvre est modifiée, nécessite l’autorisation de l’auteur.

[…]

Or, même si l’œuvre est tombée dans le domaine public, elle est toujours soumise au respect du droit moral de l’auteur qui doit autoriser sa modification et sa destination.

En effet, le droit moral, perpétuel et inaliénable, impose que l’on ne porte pas atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Ce principe peut donc poser problème en matière de mashup ou de remix dans la mesure où cette technique implique une atteinte à l’intégrité de l’œuvre et à sa destination.

Source : Les œuvres transformatrices. Murielle Cahen, murielle-cahen.com, cabinet d'avocats Paris

 

Pour terminer, l'utilisation des outils relevant de l’intelligence artificielle pour modifier une œuvre première compromet-elle la nature originale de l'oeuvre seconde ? Sur ce dernier point, nous vous partageons les ressources suivantes :

 

Veuillez noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.