Droit moral de manuscrits contemporains

Réponse de l'Enssib

Date de la réponse

Dans le cadre de vos recherches, vous vous interrogez sur les conditions d’une « simple communication » de correspondances privées du poète Max Jacob détenues par des bibliothèques.

Vous souhaitez donc en savoir davantage sur le droit qui encadre la communication des correspondances privées de personnalités ainsi que sur d’éventuels exemples de sanctions envers des ayants-droit refusant les demandes de communication.

 

 

La correspondance privée possède les caractères d'une œuvre de l'esprit et c'est pour cette raison qu'elle bénéficie de la protection mise en œuvre par le droit d'auteur.

En effet, l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que le droit d'auteur est celui qui s'applique à toutes les « œuvres de l'esprit » quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

 

Comme développé dans l’article du Consortium Cahier consacré à la correspondance privée des auteurs Corpus d’auteurs – aspects juridiques : correspondance :

 

Le droit des correspondances repose sur les dispositions classiques du droit d’auteur (droit moral et droits patrimoniaux) mais il fait intervenir un autre partenaire, le propriétaire des lettres qui peut être le destinataire ou un acquéreur ultérieur, privé ou public.

La propriété du support matériel est indépendante de la titularité des droits d’auteur. La correspondance originale, comme toute œuvre, reste la propriété intellectuelle de son auteur.

Le droit des correspondances fait aussi intervenir le droit au respect de la vie privée de toute personne mentionnée (de son vivant et postérieurement s’il y a atteinte à l’honneur ou à la réputation).

Même si elles sont détenues par un établissement public – archives, musées, bibliothèques, universités – les correspondances sont des archives privées.

 

Et le droit de divulgation de la correspondance est attaché au droit moral :

 

DROIT MORAL

Le droit moral est « attaché à la personne » de l’auteur, il est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible » (art. L. 121-1). Il est impossible de le céder.

Quatre droits sont attribués à l’auteur par ce droit moral :

• le droit à la paternité : c’est le droit d’exiger la mention du nom de l’auteur sur toute publication de l’œuvre, mais c’est aussi le droit de divulguer son œuvre sous un pseudonyme ou anonymement ;

• le droit de divulgation ;

• le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre (il n’est pas permis de la modifier sans autorisation) ;

• le droit de retrait ou de repentir.

(…)

DROIT DE DIVULGATION

Inscrit dans le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) à l’article L 121-2 ce droit est l’un des attributs du droit moral. Il confère à l’auteur seul le droit de porter son œuvre à la connaissance du public. Il revient également à l’auteur de fixer les procédés et conditions de cette divulgation (sauf dans le cas particulier des œuvres audiovisuelles, voir article L 132-24).

La divulgation nécessite le consentement de tous les coauteurs d’une œuvre.

La possession du support matériel d’une œuvre n’autorise pas à la divulguer sans le consentement de l’auteur.

La consultation d’un inédit n’autorise pas à le divulguer sans le consentement de l’auteur.

Le droit de divulgation empêche la simple citation de textes inédits sans l’accord de leur auteur.

Le droit de divulgation s’épuise par le premier usage qu’en fait l’auteur (voir le billet d’Emmanuel Pierrat sur Livres Hebdo). La divulgation d’une œuvre par l’auteur selon un procédé particulier ne lui permet donc plus de faire usage de ce droit pour la diffusion de cette œuvre selon d’autres modes.

 

Ces informations s'achèvent sur l'avertissement suivant :

 

Contrats, conventions, autorisations : toujours par écrit et signés des deux parties, détaillant précisément l’usage, la durée d’exploitation, la ou les personnes morales responsables, les conditions de diffusion et de réutilisation.

 Source : Cahier.hypothèses.org. Correspondance

 

Enfin, concernant d’éventuels « avis juridiques » sur les conditions d’accès, nous n’avons pas les compétences juridiques pour vous répondre. Nous vous signalons toutefois que le CPI mentionne :

 

Article L121-3

En cas d'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l'auteur décédé visés à l'article L. 121-2, le tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure appropriée. Il en est de même s'il y a conflit entre lesdits représentants, s'il n'y a pas d'ayant droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence.

Le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la culture.

 

Veuillez noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.

 

 

Pour aller plus loin sur le droit d’auteur et le archives privées :

Corpus d’auteurs – aspects juridiques : archives privées

Corpus d’auteurs – aspects juridiques : glossaire