
Nouvellement responsable du secteur jeunesse d'une bibliothèque, vous vous préparez à un travail de désherbage, notamment dans le secteur bande-dessinées.
Vous êtes à la recherche d'un classement des BD incontournables à conserver en bibliothèque.
Dans le manuel Désherber en bibliothèque de Françoise Gaudet, Claudine Lieber, que nous vous conseillons vivement de consulter, une partie est consacrée au désherbage dans le secteur jeunesse. En voici quelques extraits :
Le désherbage en bibliothèque jeunesse obéit largement aux règles et principes en vigueur dans les bibliothèques ou sections pour adultes. Il doit cependant faire l’objet d’une attention toute particulière pour tenir compte des caractéristiques propres à l’édition et au public jeunesse.
L’édition pour la jeunesse est un secteur éditorial dynamique, qui publie plus de 10 000 nouveaux titres chaque année. Si la section jeunesse se doit de refléter la richesse du genre, il est important en regard de maîtriser la taille de la collection. Celle-ci doit être à la mesure des enfants, assez étendue pour satisfaire les besoins d’un public de plusieurs tranches d’âge et niveaux, mais sans « noyer » les jeunes lecteurs, perdus devant une trop grande masse. Au-delà d’une certaine limite, chaque achat sera compensé par le retrait d’un titre.
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1.2 – Rassembler les informations disponibles pour dresser un premier état des lieux
Il s’agit de porter un regard critique sur la collection à l’aide des questions ou informations suivantes :
– Quel est l’âge moyen des documents ?
– Quels sont les manques ou les faiblesses de la collection ?
– Quelle est la politique d’exemplarisation à mener étant donné les usages et les publics à desservir ? Quels types d’ouvrages seront proposés en plusieurs exemplaires ? Jusqu’à combien ? À l’exception des classiques « indémodables » (Roald Dahl, Tomi Ungerer, etc.), à quel moment choisit-on de supprimer les doubles des titres qui « marchent » moins bien quelques années plus tard, ou qu’on a achetés en nombre pour une animation ponctuelle, une rencontre avec un auteur ?
On récupérera du système informatique les informations statistiques propres à opérer un premier tri ou à aider à la décision en rayon : date d’édition, dernière date d’activité, nombre de prêts, taux de rotation, nombre d’exemplaires sur le réseau, présence dans une réserve, un magasin, un fonds de conservation.
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La fiction
Il est plus compliqué de se prononcer sur l’obsolescence des romans ou albums, de trouver la bonne distance par rapport aux effets de mode, à ses propres lectures de jeunesse, à ses goûts. Il faut garder une certaine objectivité pour juger de leur qualité littéraire ou artistique et pour déterminer ce qui résiste à l’usure du temps. Contrairement à l’Angleterre, auteurs et illustrateurs de renommée trouvent difficilement en France, à court comme à long terme, la reconnaissance qui leur est due, auprès du monde universitaire, éditorial, médiatique comme au niveau populaire. La notion de patrimoine et de classiques pour la jeunesse, la bonne connaissance de l’édition rétrospective ne sont d’ailleurs pas suffisamment intégrées à la culture professionnelle commune. Là réside pourtant la clef d’un désherbage pertinent.
Pour se faire une idée de ce qu’il serait bon de garder, on peut recourir aux divers ouvrages de référence sur l’histoire du livre pour la jeunesse publiés ces dernières années ou plus pragmatiquement aux sélections qui permettent de repérer les classiques à conserver : Escales, déjà cité, les listes du ministère de l’Éducation nationale. On peut suivre en outre les formations, conférences ou rencontres sur l’édition pour la jeunesse et son histoire, qui se sont multipliées.
Ces instruments ne fournissent pas toutes les réponses. On continuera de s’interroger régulièrement sur la pertinence d’ouvrages longtemps incontournables, comme Le Fantôme de Thomas Kempe de Penelope Lively (1976 en français), qui s’est démodé avec le développement du genre fantastique dans l’édition jeunesse à partir des années 1990. On se méfiera aussi des traductions inadaptées. Fifi Brindacier et autres titres d’Astrid Lindgren, qui avaient été au départ plutôt adaptés que traduits, ont nécessité une nouvelle traduction, exigée du reste par ses ayants droit. De même, une adaptation peut s’apparenter à de la censure non avouée. C’est le cas pour Les Gars de la rue Paul, de Ferenc Molnár, dont les premières traductions expurgées de la mort d’un des enfants, sont évidemment à exclure. En revanche, certaines rééditions ne se contentent pas d’être des reproductions à l’identique mais sont des « re-créations ». En ce cas, il peut être intéressant de garder un exemplaire de l’ouvrage ou de la collection d’origine pour permettre la comparaison.
On n’écartera donc pas de la collection ces ouvrages, de plus en plus rapidement épuisés, qu’on ne peut souvent trouver qu’en bibliothèque. L’informatisation des catalogues doit permettre une meilleure veille documentaire au sein d’un réseau, pour ces ouvrages « indispensables ». Après les avoir fait éventuellement réparer, on peut les mettre en valeur, dans leur couverture d’origine s’il n’y a pas eu de réédition, grâce à une présentation qui fasse écho à leur statut : un vieux coffre pour des albums un peu défraîchis ou des étagères en bois, à « l’ancienne ».
Source : EZRATTY Viviane, GIBELLO-BERNETTE Corinne, « 7. La littérature pour la jeunesse, désherbage et conservation », dans : Françoise Gaudet éd., Désherber en bibliothèque. Manuel pratique de révision des collections.Éditions du Cercle de la Librairie, 2013, p. 127-146.
Vous pourrez vous référer aussi à :
Bibliographies :
Ouvrages de référence sur la littérature jeunesse :
Revues et sites de référence :
L'exemple de la politique de désherbage des bibliothèques de Lausanne pourra aussi peut-être vous intéresser :
Politique de désherbage : critères et procédure. Bibliothèques de la Ville de Lausanne, 2019