
Dans le cadre de vos fonctions, vous vous intéressez au phénomène de la Dark Romance. Vous connaissez bien la réglementation encadrant les publications destinées à la jeunesse (loi du 16 juillet 1949), en revanche vous manquez d'éléments concernant la réglementation autour des publications destinées aux publics adultes. Vous souhaiteriez savoir par exemple, si les éditeurs ont l'obligation d'indiquer que telle ou telle publication est réservée à un public majeur. Vous aimeriez connaître également les réglementations sur l'édition et la presse dans d'autres pays et si un équivalent au système PEGI existe pour les publications littéraires.
Tout d'abord, nous vous invitons à consulter le site du SNE qui détaille la réglementation à laquelle les éditeurs sont soumis :
Extrait
L’éditeur est soumis à certaines dispositions de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, laquelle définit les libertés et responsabilités de la presse française et impose un cadre légal à toute publication.
Les articles 23 à 41-1 intéressent particulièrement la profession. Ces articles prévoient la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse ou tout autre mode de publication. Parmi eux, l’article 29 définit ce qu’est un acte de diffamation et un acte d’injure.
Source : Règlementation. SNE
Pour connaître le contenu exact des articles 23 à 41, nous vous invitons à consulter la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui vous l'aurez compris concerne tous les éditeurs (presse ou livres).
Emmanuel Pierrat les expose également dans un article de blog :
L’article 23 de la loi de 1881 réprime les provocations aux crimes et délits, quels qu’ils soient, « si la provocation a été suivie d’effet ». En revanche, l’article 24 de la même loi n’exige pas, pour certaines provocations, qu’elles aient été suivies d’effet pour que leurs auteurs soient poursuivis.
Sont également répréhensibles, selon le même texte, la simple apologie de ces crimes et délits spécifiques, ainsi que celle des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou crimes et délits de collaboration avec l’ennemi. Enfin, l’article 24 vise les provocations « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », que ces provocations soient suivies d’effet ou non.
C’est à l’article 29 de la loi de 1881 que sont définies la diffamation et l’injure : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »[...]
Le sexisme et l’homophobie sont, depuis fin 2004, visés par la loi de 1881. Soulignons aussi que l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionne la diffamation envers « une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Et depuis la loi Egalité et Citoyenneté, le texte vise en sus du sexe ou de « l’orientation sexuelle », l’ « identité de genre ».
Source : La Loi du 29 juillet 1881 plie... mais résiste! Emmanuel Pierrat. Livres-Hebdo, 03-03-2017
Vous pourrez consulter également les ouvrages suivants :
A notre connaissance, il n'existe pas de réglementation obligeant les éditeurs à indiquer sur une publication qu'elle s'adresse exclusivement à un public majeur. Ce sont souvent les médiateurs du livre (bibliothécaires ou libraires) qui prennent la responsabilité de rendre des publications plus ou moins accessibles.
En 2008, la revue Bibliothèque(s) a consacré un dossier à la censure, dans lequel il est rappelé à plusieurs reprises la nécessité (mais aussi la difficulté) de fonder les choix d’acquisitions sur des principes objectifs. Bertrand Calenge pointe la responsabilité des bibliothécaires, en indiquant qu'elle ne se résume pas à l'observation de lois et de règlements. Florence Schreiber indique que les Médiathèques de Saint-Denis décident parfois à l'issue de débats interne "de faire passer du côté adultes un livre publié dans une collection pour ados".
L'article de Caroline Rives et Annick Lorant-Jolly sur la censure en matière de littérature jeunesse pourra vous intéresser. Celles-ci évoquent notamment la question des mentions d'âges, les pressions extérieures et l'autocensure des bibliothécaires. Elles indiquent que la Commission de surveillance et de contrôle des publications adressées à l’enfance et à l’adolescence recommande la mention d’âge sur les quatrièmes de couverture, mais se montrent réservée sur l'utilité de telles mesures :
Les récentes interventions (en 2007 et 2008) de cette commission auprès des éditeurs pour recommander instamment la mention d’âge sur les quatrièmes de couverture ne peuvent qu’alerter, d’autant qu’elles ne semblent pas a priori entrer dans le champ de ses compétences. Celles-ci concernent surtout (mais pas exclusivement) les fictions romanesques destinées aux plus grands, ces lecteurs qui se situent au seuil de cette frontière ténue entre l’adolescence et l’âge adulte. Elles inquiètent en tout cas les éditeurs pour la jeunesse qui ne veulent pas soumettre leurs publications au diktat de la tranche d’âge, concept imposé par les services marketing et qui limite la portée potentielle d’un livre. À quand les romans ciblés pour les 11-13 ans, 13-15, 15-17, 17 et + ?. (...)
Cependant, on peut observer dans les bibliothèques pour enfants des phénomènes de nature diverse, qui peuvent plus ou moins renvoyer à des formes de censure. Les bibliothécaires sont susceptibles, de façon récurrente, de subir des pressions de la part de personnes ou de groupes pour des raisons morales, pour des raisons politiques, ou en raison de cette vision de l’enfance selon laquelle on devrait la protéger de la découverte précoce de réalités déprimantes (mort, violence, inégalités…)."
Plus loin, elles évoquent l'autocensure : "Plus difficile à cerner est l’autocensure, pratiquée par des bibliothécaires, qu’ils craignent d’affronter les mécontentements extérieurs évoqués ci-dessus ou bien qu’ils soient eux-mêmes hostiles à la présence de certains ouvrages dans leurs collections. Ils sont rejoints en ce sens par d’autres prescripteurs : éducateurs, enseignants, journalistes… La littérature pour adolescents suscite régulièrement ce type de débats, qui semblent cependant circonscrits au monde des adultes. (…) Mais cette littérature est-elle lue largement par les jeunes ? Elle semble réservée à de petits groupes (souvent féminins) de lecteurs confirmés et probablement suffisamment aguerris pour affronter un point de vue pessimiste sur l’existence.
Source : Dossier "La censure". Bibliothèque(s) 41/42. Décembre 2008.
Pour aller plus loin :