Réponse de l'Enssib
Date de la réponse
Une bibliothèque municipale que vous accompagnez dans le cadre de vos missions de BDP est confrontée à une demande de sa tutelle qui souhaite imposer un plan d'implantation fixe pour respecter les normes PMR et les consignes des pompiers. Cette décision interdit tout déplacement de mobilier, bien que la bibliothèque ait investi dans du mobilier sur roulettes pour favoriser des aménagements modulables adaptés aux besoins des publics (animations, nouvelles pratiques, etc.). L'équipe souhaite argumenter sur les impacts négatifs de cette contrainte sur le fonctionnement. Par ailleurs, vous vous demandez s'il existe des textes réglementaires justifiant ou contredisant une telle exigence.
§ 1. Le gros mobilier qui comprend les caisses, bars, comptoirs, vestiaires, etc., et l'agencement principal qui comprend les écrans séparatifs de boîtes, rayonnages, bibliothèques, étagères, présentoirs verticaux, casiers, estrades, etc., doivent occuper des emplacements tels qu'ils ne peuvent gêner ou rétrécir les chemins de circulation.
§ 2. Ils doivent être éventuellement fixés au sol ou aux parois de façon suffisamment rigide pour qu'une poussée de la foule ne puisse les déplacer.
Ces dispositions concernent le gros mobilier et l’agencement principal. Il est possible que la tutelle se soit appuyée sur ce texte avec une interprétation large qui englobe toutes formes de mobiliers, y compris les assises, pour exiger une implantation fixe des mobiliers, afin de ne pas entraver les circulations et de garantir une évacuation fluide des espaces.
En ce qui concerne l'aménagement des bibliothèques dans le respect de l'accessibilité généralisée à toutes formes de handicap, l'arrêté du 20 avril 2017 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement précise que :
Les équipements, le mobilier, les dispositifs de commande et de service situés dans les établissements recevant du public ou dans les installations ouvertes au public doivent être repérés, détectés, atteints et utilisés par les personnes handicapées. La disposition des équipements ne crée pas d'obstacle ou de danger pour les personnes ayant une déficience visuelle.
Bien que cet arrêté ne mentionne pas directement de recommandations relatives à un mobilier fixe, il est possible que la tutelle s’appuie également sur ce texte pour justifier un aménagement fixe, perçu comme garantissant une accessibilité optimale et une absence de risques.
En complément, le mémoire du diplôme de conservateur des bibliothèques rédigé par Carole Gasnier, Penser le mobilier en bibliothèque (2014), met en évidence pages 41-42 l'ensemble des normes qui peuvent aller parfois à l’encontre des besoins en modularité des mobiliers :
Mobilier et aménagement intérieur d’une bibliothèque sont régis par un certain nombre de normes et contraintes qui vont parfois à l’encontre des exigences précitées de flexibilité et de modularité. Les bibliothèques sont ainsi des ERP et doivent répondre à ce titre à un certain nombre de dispositions. Pour les ERP de première à quatrième catégorie, des normes d’accessibilité et de sécurité contre les incendies et la panique ayant trait aux aménagements intérieurs, à la décoration et au mobilier existent tandis que seuls les aménagements intérieurs des ERP de cinquième catégorie sont concernés par des dispositions de même type. On se réfèrera pour plus de détails aux textes de référence que constituent les articles L 123-1 et suivants74, R 123-1 et suivants et R 152-6 et 7 du Code de la construction et de l’habitat ; les articles R 111-1 et suivants du Code de l’urbanisme ; les arrêtés du 25 juin 1980 modifié, du 22 juin 1990 modifié et du 21 novembre 2011. L’article AM 15 dispose par exemple que « le gros mobilier, l'agencement principal, les stands et les aménagements de planchers légers en superstructures, situés dans les locaux et les dégagements, doivent être en matériaux de catégorie M3. Ces dispositions ne concernent pas le mobilier courant, pour lequel aucune exigence n'est imposée.
Par ailleurs, on y notera que :
À côté de ces dispositions relevant de la sécurité des biens et des personnes, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ordonne notamment un ajustement du mobilier et de l’aménagement de l’espace pour permettre l’accessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite. [...] Pour résumer, l’accessibilité pour tous implique a minima d’ici le 1er janvier 2015 des banques et des tables adaptées (avec un espace vide de 30 cm de profondeur x 60 cm de largeur x 80 cm de hauteur), des rayonnages de hauteur adéquate (entre 30-50 cm de hauteur minimum et 1,40-1,50 m de hauteur maximum), une largeur d’allée de 1,40-1,50 m pour le passage d’un fauteuil (mais de 2,10 m à 2,40 m pour permettre à deux fauteuils roulants de pouvoir se croiser) .
Ces éléments sont effectivement à prendre en compte que le mobilier soit fixe ou pas.
De ce fait, afin de concilier les contraintes réglementaires avec les besoins fonctionnels de l’équipe au quotidien qui souhaite s'appuyer sur du mobilier mobile pour organiser ses animations et collaborer avec ses publics, la bibliothèque de votre réseau pourrait préparer un argumentaire qui concilie enjeux de sécurité, accessibilité et bénéfices de la modularité. Nous l'invitons à s'appuyer sur :
- La Commission AccessibilitéS de l'ABF pour obtenir un avis circonstancié sur la compatibilité entre modularité et accessibilité. Contact : accessibilites@abf.asso.fr
- Les fournisseurs de mobilier qui disposent généralement d’une expertise en matière de réglementation et peuvent fournir des recommandations d'usage
- Le retour d'expérience de bibliothèques ayant fait le choix de la modularité comme la Médiathèque Françoise Sagan à Paris. Contact : mediatheque.francoise-sagan@paris.fr ou encore la Bibliothèque Louise Michel également à Paris. Contact : bibliotheque.louise-michel@paris.fr
La Bibliothèque Louise Michel :
a par exemple pris ce parti de la mobilité et de la modularité dans son espace adultes en plaçant des rayonnages sur pieds le long des murs, et des meubles et rayonnages bas sur roulettes au centre de l’espace (figures 4 et 5). Ce choix est apprécié au point que l’équipe de la bibliothèque regrette d’ailleurs la présence des quelques meubles non déplaçables : les meubles de présentation avec leur lampe reliée qui plus est à une prise électrique, le meuble à périodiques servant de frontière entre l’espace adultes et l’espace enfants et le meuble recevant les romans graphiques et les comics ne sont ainsi pas modulables dans l’espace selon les besoins.
Source : Penser le mobilier en bibliothèque. Carole Gasnier. Mémoire DCB, Enssib, 2014
Pour aller plus loin :
Construire et aménager une bibliothèque. Guide Enssib.