
Vous travaillez dans un bâtiment dans lequel sont entreposées des revues reliées cuir/carton du XIXeme siècle dans des armoires. Ces documents sont abîmés par le frottement avec la peinture à chaque déplacement. Vous vous demandez quelle solution adoptée en précisant que le changement de mobilier n’est pas à l’ordre du jour et que vous ne souhaitez pas utiliser de métal.
Nous ignorons le matériau des tablettes de votre armoire.
Les recommandations incitent plutôt en effet à l’utilisation du métal. Ainsi, la note Règles de base pour la construction et l'aménagement d'un bâtiment d’archives indique dans sa partie « 4.7 Implantation et caractéristiques des rayonnages » :
Les rayonnages métalliques seront recouverts d’une peinture epoxy polyester cuite au four. Les tablettes en acier galvanisé sont exclues, car ce matériau peut s’oxyder et rouiller.
Source : Règles de base pour la construction et l'aménagement d'un bâtiment d’archives. France Archives, 2019, page 13
Ce document renvoie pour plus de détails à l’Instruction DITN/RES/2008/005 en date du 15 juillet 2008, relative aux rayonnages dans les magasins d'archives, qui n’évoque pas d’autres matériaux que le métal. Extrait :
Les tablettes : flèche, résistance et finition
Il est inutile d’indiquer dans le cahier des charges l’épaisseur de tôle des tablettes [...]
Les tablettes en acier galvanisé sont à exclure (l'acier galvanisé, généralement du fer recouvert de zinc, risque de s'oxyder avec le temps et de rouiller). Les tablettes seront traitées anti-rouille, résistantes au choc et à l’usure, en matériaux neutres n’affectant pas les documents. Les matériaux employés sont généralement une peinture époxy polyester cuite au four ou en émail ou autre.
Source : Instruction DITN/RES/2008/005 : Les rayonnages dans les magasins. Directrice des Archives de France d’archives, 2008, page 5
Raphaël Mouren, dans son Manuel du patrimoine abonde :
Les fournisseurs spécialisés proposent aujourd'hui essentiellement, pour la conservation, des mobiliers en métal galvanisé. Ce matériau, qui doit toujours être recouvert d'un enduit et ne doit pas être mis directement au contact des documents, a de nombreux avantages : facile à nettoyer, il est très lisse, ce qui évite le risque d’abîmer les livres lors des frottements dus à leur déplacement.
Source : Manuel du patrimoine en bibliothèque. Sous la dir. de Raphaële Mouren. Éditions du Cercle de la Librairie, 2007, page 152
Si vos étagères sont en bois, il est conseillé de les poncer finement et d’être attentif aux infestations possibles, les traitements appliqués n’ayant pas d’effet sur le long terme et pouvant eux-mêmes être facteur de dégradation :
Les spécialistes ne sont pas tous d'accord sur l'utilisation des rayonnages en bois. D'un coté, le bois est un matériau tampon, qui participe à la régulation de l‘environnement. Toutefois, les traitements subis par le bois sont très importants et certains sont particulièrement nocifs. C'est pourquoi il est fortement déconseillé d'utiliser des rayonnages de bois pour construire de nouveaux rayonnages, à cause des risques suivants :
- les étagères, si elles ne sont pas poncées très finement, présentent un risque d'abrasement, de formation d'échardes qui abîmeront irrémédiablement les livres. Un bois souple et trop vert sera impossible a poncer suffisamment pour éviter tout danger aux reliures […]
- certains composants du bois, en particulier la lignine, les peroxydes et les graisses, peuvent migrer sur les photographies ;
- le bois est un aliment dont sont friands certains insectes. Le traitement qui peut lui être appliqué n'a pas d'action rémanente. Le risque d'infestation existe partout. Il serait très difficile de stopper une attaque d'insectes, d'autant plus que la surveillance des magasins n'est pas toujours assurée.
[…]
Il faut exclure totalement les étagères en pin encore vert et grossièrement poncées [...]
Source : Manuel du patrimoine en bibliothèque. Sous la dir. de Raphaële Mouren. Éditions du Cercle de la Librairie, 2007, pages 152 et 153
La norme NF ISO 11799 | Mai 2016 Information et documentation - Exigences pour le stockage des documents d'archives et de bibliothèques précise :
Les matériaux utilisés pour le mobilier et le matériel doivent être chimiquement inertes, ne doivent pas être combustibles, ni produire, attirer ou retenir la poussière. Quand ils se décomposent sous l’action du feu ou pour une autre raison, par exemple un vieillissement naturel, ils ne doivent pas émettre de substances nocives pour les documents stockés, par exemple des gaz acides. Le choix des matériaux doit permettre de limiter, en cas d’incendie, l’émission de substances nocives, de fumée et de suie.
Source : NF ISO 11799 | Mai 2016 Information et documentation - Exigences pour le stockage des documents d'archives et de bibliothèques. AFNOR, page 6
Concernant la peinture appliquée, cette mise en garde de la norme pourrait vous être utile :
Il convient de limiter l’utilisation de sources de COV et de matières particulaires dans les archives et les bibliothèques. Les sources courantes sont, par exemple: [...] les peintures et les vernis à base d’huile ou contenant du polyuréthane.
Source : NF ISO 11799 | Mai 2016 Information et documentation - Exigences pour le stockage des documents d'archives et de bibliothèques. AFNOR, page 6
En complément d’information, Dominique Coq dans son manuel sur les collections patrimoniales rapporte :
La pollution vient aussi de certains matériaux utilisés (3) : certains bois, certains textiles utilisés dans des vitrines d’exposition, certaines peintures, colles et solvants ; les cartons et papiers ordinaires ; les plastiques à base de PVC (présence de chlore) […]
Comment éviter ces dégradations ?
[…]
Un dépoussiérage régulier des collections est indispensable, car très efficace pour minimiser ces risques de dégradations. […] Et puis :
utiliser des peintures acryliques
Source : Apprendre à gérer des collections patrimoniales en bibliothèque. Sous la dir. de Dominique Coq. Presses de l'Enssib, 2012, pages 51 et 52
La note (3) renvoie à l’annexe D de la norme AFNOR Z 40-010 relative aux conditions de conservation des documents graphiques et photographiques pendant leur exposition, qui donne la liste des matériaux nocifs aux documents (de manière générale). Nous vous conseillons de la consulter.
Pour synthèse, le bois est à éviter. Si vous ne pouvez pas faire autrement :
Il faut retenir des essences peu acides et peu tanniques, telles que frêne, érable, etc. De manière générale, il convient de sélectionner des bois vieillis, acclimatés et bien secs. [...]
Source : NF Z40-010 | Juin 2002 Prescriptions de conservation des documents graphiques et photographiques dans le cadre d'une exposition. AFNOR, page 42
Parmi les matériaux utilisables de type plastique est indiqué l’acrylique, dont le polyméthacrylate (connu sous le nom commercial de Plexiglas).
Pour plus d’informations, nous vous conseillons de contacter :
la BnF en sollicitant l’appui de son Département de la Conservation
l’association Bibliopat, spécialiste de la gestion de fonds patrimoniaux