
En tant que bibliothécaire, vous oralisez des contes, en vous réappropriant le texte et le rythme. Vous les rendez ensuite accessible par divers canaux à vos usagers. Dans ce cadre vous vous interrogez sur le respect du droit d’auteur : votre pratique est-elle légale, nécessite-t-elle ou rend-t-elle possible une citation de la source d’inspiration et si oui comment.
En préambule, nous tenons à rappeler que nous ne sommes pas un service juridique. Nous vous répondrons donc au mieux des résultats de nos recherches, sans vous garantir un avis d’expert en droit.
Afin de respecter le droit d’auteur, votre réappropriation doit suffisamment s’écarter de l’œuvre originale pour ne pas être considérée comme du plagiat :
En France, le Code de la propriété intellectuelle dispose qu’une œuvre tombe dans le domaine public soixante-dix ans après la mort de son auteur. Cela signifie qu’elle n’est plus protégée par le droit d’auteur et peut être reprise par d’autres écrivains (ou artistes). Perrault, Andersen, Grimm, Homère et toute la clique des conteurs anciens sont morts depuis bien longtemps, il est donc possible de reprendre leurs textes pour créer de nouvelles œuvres.
Toutefois, le droit ne s’applique pas toujours de la même façon selon les pays et les œuvres. Récemment, l’auteur Nancy Springer a essuyé une plainte des ayants droit d’Arthur Conan Doyle pour avoir écrit un livre inspiré de l’univers de Sherlock Holmes. On lui reproche notamment d’avoir utilisé des émotions propres au célèbre détective dans son roman alors que celles-ci étaient une propriété protégée. Pour éviter ce genre de déconvenue, il vous revient donc de vérifier si l’œuvre que vous souhaitez réécrire n’est pas encore protégée.
De plus, il est important de ne pas tomber dans le plagiat. En aucun cas vous ne devez vous approprier une œuvre qui ne vous appartient pas. Si, par exemple, vous recopiez intégralement Alice au Pays des Merveilles en changeant simplement le nom de la protagoniste, ce sera considéré comme du plagiat. Il faut offrir une œuvre originale qui est simplement inspirée du conte ou de la légende que vous aurez choisi.
Source : La réécriture de conte : mode d’emploi. Abbymcalban, 29/06/2021
Anne-Laure Stérin indique dans son Guide pratique du droit d'auteur, page 505 :
Une idée n’appartient à personne et n’est pas protégée par le droit d’auteur. Elle est de « libre parcours », et chacun peut la reprendre, la diffuser, la reformuler et l’exploiter, à son gré
Source : Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011.
La vigilance porte sur le degré d’originalité de votre réappropriation :
Il y a donc plagiat lorsque l’on s’approprie le texte d’autrui tel quel (ou avec de trop infimes variations).
Quant aux emprunts, Hélène Maurel-Indart les classe en deux catégories dans son ouvrage Du Plagiat (Gallimard, Folio Essais, 2011)
[...]
Afin de déterminer la légitimité de ces emprunts il faut se baser sur 4 critères :
la quantité : quel est le volume de l’emprunt ? Une phrase ? Un paragraphe ? Un chapitre ? L’œuvre entière ?
la qualité : l’emprunt est-il direct ou indirect ? Est-ce une copie littérale ? Une réécriture marquée de la personnalité propre de l’emprunteur/emprunteuse ?
l’intention : l’emprunt est-il conscient ou est-ce une inspiration inconsciente ?
Le signalement : l’emprunt est-il signalé par une indication du nom de l’auteur ou de l’autrice originale ?
Source : Plagiat, inspiration ou citation ? prom-auteur.com
Et de mettre en garde :
En revanche, la réutilisation pour son compte d’éléments d’œuvres d’autrui est illégale. Ainsi, réutiliser un cadre spécifique (comme un lieu inventé) ou un personnage pour l’incorporer à son récit est illicite. Par exemple : utiliser Harry Potter comme personnage secondaire est interdit.
Source : Plagiat, inspiration ou citation ? prom-auteur.com
Pour conclure :
Un auteur peut-il s’inspirer d’une histoire ?
Tout auteur trouve une partie de son inspiration dans des expériences, des œuvres, des pensées déjà exprimées. Mais jusqu’où l’auteur peut-il puiser dans les créations des autres ? Un auteur peut-il s’inspirer d’une histoire existante au point d’en faire le thème central de son propre texte ? […] Dès lors qu’il n’utilise pas les mêmes mots, les tribunaux jugent que oui.
[…]
Il est possible de réécrire des histoires du domaine public, tels que des contes populaires appartenant au folklore
Source : Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011, page 103 et 104
Si votre réappropriation est licite, il vous est tout à fait loisible de citer vos sources d’inspiration, sans que vous y soyez toutefois contraint, il ne s’agit pas ici de travaux scientifiques :
L’auteur d’une œuvre scientifique, dont les idées ont inspiré un deuxième auteur scientifique, peut exiger d’être cité dans la bibliographie de ce deuxième auteur (Cour d’appel de Paris, 14 février 1990)
Source : Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011, page 506
La forme que peut prendre cette citation est à votre discrétion. Toutefois, il serait préférable de parler d’inspiration que d’adaptation. Adaptation renvoyant à la transposition d’une œuvre d’une forme à une autre forme, sans en changer radicalement l’histoire ; ce qui nécessite l’accord de l’auteur :
Un auteur peut-il raconter la même histoire sous une autre forme artistique ?
Pour transposer un texte à une autre forme artistique, il faut l’accord de l’écrivain, car l’adaptation peut porter atteinte à son droit moral en dénaturant son texte
Source : Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011, page 105
Si nous avons bien cerné votre cas, il s’agit plutôt d’inspiration avec création d’une nouvelle œuvre. Œuvre portant votre empreinte personnelle que vous communiquez ensuite via divers canaux :
Il s’agit donc de la marque de la sensibilité de l’auteur, de sa perception d’un sujet, des choix qu’il a effectués et qui ne lui étaient pas imposés par ledit sujet. C’est une sorte d’intervention de la subjectivité dans le traitement d'un thème. L’auteur a choisi de peindre le soleil en violet, d’écrire un chapitre sur deux en alexandrins, de transposer le petit chaperon rouge dans l’espace, etc. Tous ces partis-pris témoignent de l’originalité, au sens juridique du terme.
Source : Le régime juridique des rééditions de textes anciens (1/3). Livres-Hebdo, Emmanuel Pierrat, 04/10/2021
Veuillez noter que cette réponse n’a pas de valeur juridique.