
Vous souhaitez savoir si vous pouvez lire et enregistrer des contes/légendes par le biais de youtube, en totalité ou par extrait.
Une vidéo où serait enregistrée une lecture à voix haute d’un conte est une œuvre dite composite, cela signifie que plusieurs œuvres sont imbriquées en une seule :
première œuvre : l’œuvre source dont vous souhaitez faire la lecture
seconde œuvre : la vidéo qui enregistre la lecture à voix haute de la première
Autant pour la seconde œuvre vous possédez les droits en l’enregistrant et l’interprétant vous-même. Autant pour la première œuvre, la question des droits d’auteur se pose.
Lire un conte en ligne implique le droit de représentation (nouvelle communication au public de l’œuvre) et son enregistrement le droit de reproduction (nouvelle fixation matérielle de l’œuvre). Dans les deux cas, il s’agit du droit patrimonial.
Le droit patrimonial est limité dans le temps, 70 ans après la mort de l’auteur pour une œuvre individuelle. Si cette durée est dépassée, l’œuvre tombe dans le domaine public. Vous pouvez alors la reproduire ou la communiquer sans avoir besoin d’en demander l’autorisation à l’auteur ou ses ayants droit. Vous devrez néanmoins respecter le droit moral qui lui est perpétuel :
citer l’auteur (droit de paternité)
respecter l’intégrité de l’œuvre
Si l’œuvre est encore sous le droit patrimonial d’auteur, qu’elle n’est pas sous licence creative commons et que votre utilisation n’entre pas dans le cadre des exceptions prévues au droit d’auteur (Article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle), vous avez besoin de l’autorisation de l’auteur (par le biais de l'éditeur que nous vous recommandons de contacter).
Elle doit préciser la durée, le territoire, l’étendue et la destination des droits cédés (Cession de droits d’auteur, site Freelancer)
Dans le cas de contes tombés dans le domaine public, une réédition n’implique pas nécessairement de nouveaux droits d’auteur. Il vous faut l'évaluer au cas par cas :
L’édition de textes classiques peut générer une nouvelle protection : transcription en français moderne, glossaire, notes, apparat critique, mise en page, maquette… sont autant de créations couvertes par le droit d’auteur. Rééditer, de nos jours, les Essais de Montaigne pour le grand public nécessite un important investissement.
Toutefois, seules les éditions « originales », au sens du droit d’auteur, peuvent bénéficier d’une protection par la propriété littéraire et artistique. Bien que la condition de l’originalité ne soit pas définie par le Code de la propriété intellectuelle, les juridictions l’assimilent à « l’empreinte de la personnalité de l’auteur ».
Il s’agit donc de la marque de la sensibilité de l’auteur, de sa perception d’un sujet, des choix qu’il a effectués et qui ne lui étaient pas imposés par ledit sujet. C’est une sorte d’intervention de la subjectivité dans le traitement d'un thème. L’auteur a choisi de peindre le soleil en violet, d’écrire un chapitre sur deux en alexandrins, de transposer le petit chaperon rouge dans l’espace, etc. Tous ces partis-pris témoignent de l’originalité, au sens juridique du terme.
Source : Le régime juridique des rééditions de textes anciens (1/3). Livres-Hebdo, Emmanuel Pierrat, 04/10/2021
Concernant la lecture uniquement d’extraits et non de l’intégralité de l’œuvre, nous avions proposé un développement à ce sujet dans la réponse : Enregistrer en audio un passage court d'un livre pour blog (05/11/2020).
Pour que vous puissiez invoquer l’exception de courte citation sur un texte encore soumis au droit patrimonial, votre enregistrement, qui est l’œuvre qui incorpore la courte citation de texte, doit en elle-même être suffisamment robuste pour garder son sens si les courtes citations disparaissaient. Les courtes citations du texte ne peuvent y figurer qu’à titre d’illustration et non constituer le cœur de l’œuvre :
La ou les œuvres citées ne doivent pas constituer l'intégralité de l’œuvre citante
Il faut qu'une œuvre existe pour justifier d'en citer d'autres à l'appui de celle-ci. Le simple agencement d'un ensemble de courtes citations n'est pas librement permis. Dans ce cas, il s'agit une anthologie, entrant dans la catégorie des oeuvres dérivées, supposant l'accord des auteurs des oeuvres empruntées.
Il est nécessaire que la citation soit intégrée au sein d'une œuvre construite et d'une consistance suffisante, aux fins d'illustrer un propos. L’œuvre nouvelle doit pouvoir résister à la suppression des citations. L'emprunt doit être accessoire à l'œuvre nouvelle.
Les juges écartent le bénéfice de l'exception de courte citation lorsque l'emprunt constitue en réalité l'élément principal de l’œuvre nouvelle.
Source : Extrait de Droit de citation (fr). La Grande Bibliothèque du Droit, 2014
Veuillez noter que cette réponse n’a pas de valeur juridique.
Pour aller plus loin :
Lecture de livres à voix haute sur les réseaux sociaux. Questions?Réponses ! 26/03/2020
Lecture par téléphone. Questions?Réponses ! 15/12/2020